Les cordonniers toussa…

Trois ans après ma pré-éclampsie, elle était pas censée revenir mon hypertension. Surtout à mon âge (oui, bon). Mais bon, après l’avoir contrôlée plusieurs fois, l’avoir fait contrôler par un collègue, en bon petit soldat je suis allée voir un cardiologue, fait une MAPA, confirmé l’HTA et pris un traitement.

Trois ans après la naissance de #PtiDragon, on envisageait avec M. Mari d’éventuellement en avoir un(e) deuxième. L’anti-hypertenseur que je prenais alors (un IEC) n’étant pas compatible avec une grossesse, j’ai dû changer de molécule (Loxen). Et c’est là que les « ennuis » ont commencé. Parce que la tension ne voulait pas redescendre et que je devenais tachycarde. Un samedi matin, au lieu d’aller au cabinet, j’ai dû me résoudre à aller aux urgences. Bilan : HTA et tachycardie mais ECG et bio normaux. L’urgentiste prend avis auprès d’un cardiologue (que je ne vois pas), et je dois changer de nouveau de molécule et prendre de l’Amlodipine.

En vue du projet de grossesse, j’avais pris rendez-vous avec deux gynécologues spécialisés dans la pré-éclampsie dans deux CHU différents (oui, bon). Chacun me prescrit un bilan différent à faire. Ok je fais. Ils sont normaux. Finalement grâce au conseil de @Fluorette 😉 je vais aller voir le néphrologue que j’avais vu à la sortie de la maternité trois ans auparavant. Il me dit de rester avec l’Amlodipine, et me convoque en hôpital de jour pour éliminer une HTA secondaire (à ce moment-là il me dit un truc que j’ai trouvé assez pertinent : en gros le cardiologue cherche à normaliser la tension, le gynécologue à ce que la grossesse se déroule sans trop de problèmes, et le néphrologue cherche la cause de l’hypertension).

Mais le temps que je sois rappelée par la secrétaire pour me donner une date pour l’hôpital de jour… je n’ai plus d’hypertension. Parce qu’en discutant avec une amie sage-femme, je me suis rendue compte de l’énorme erreur que j’avais faite moi-même en me prescrivant depuis plusieurs mois… une pilule oestro-progestative. Aucun des spécialistes vus (cardiologue, urgentiste, gynécologues-obstétriciens et même néphrologue) ne m’avait demandé le traitement que je prenais.

Normal.

Ou pas.

#JeKiffeMonJob

Suite au billet du docteurmilie ici , voici ma participation au #ConcoursDeLEté 🙂

Au début je voulais faire pédiatrie. Bon, au tout tout début (du moins autant que je m’en souvienne), je voulais faire chirurgie (si si !). Mais deux concours de l’internat (ECN de l’époque) plus tard, je devais me rendre à l’évidence : je serai médecin généraliste. Je l’avoue, au départ ça a été une résignation. Aujourd’hui c’est devenu une évidence : c’est le seul métier que j’aurais pu faire.

Après 4 ans de remplacements et 4 ans d’installation (création de cabinet), je commence à toucher du doigt ce qu’on appelle le médecin traitant, le médecin de famille.

Celui qui connaît les parents, les enfants, les grands-parents, voire un peu du reste de la famille, et parfois même la gardienne de l’immeuble.

Celui vers qui on se tourne quand on sort de l’hôpital, et qu’on n’a pas bien compris ce que l’externe/interne/chef de clinique/chef de service nous a expliqué (pourtant c’était clair, non ?) : « Eh bien docteur, je ne sais pas exactement ce que j’ai eu ni ce qu’on m’a fait. Ils m’ont donné des médicaments mais je ne sais pas lesquels, et là ils m’ont changé tout mon traitement, ça me fait un peu peur docteur, est-ce que je dois vraiment prendre ces nouveaux médicaments ? » (je ne caricature même pas).

Celui qui fait la synthèse de tous les comptes-rendus hospitaliers, des consultations de spécialistes en ville et des résultats biologiques et radiologiques faits en ville.

Celui qu’on va voir parce qu’on est enrhumé, mais aussi parce qu’on en peut plus docteur, au boulot ça ne va plus, ça ne peut plus continuer comme ça. Ou parce que d’habitude je ne vais jamais chez le docteur mais là j’ai quelque chose, je m’inquiète.

Alors oui, il y a bien sûr les jours où on est démotivé(e), découragé(e), où on veut tout laisser tomber et aller élever des chèvres au fin fond de l’Himalaya/ouvrir un restaurant et se faire dorer la pilule à Tahiti. Les jours où les patients se sont donnés le mot, et viennent tous nous faire chier (pardon) le même jour.

Mais les jours où tout roule, où on arrive à joindre un médecin hospitalier du 1er coup de fil (miracle !), où on arrive à faire rire cet ado avec troubles autistiques majeurs, où les patients nous disent « merci » (tout simplement), où on fait la connaissance du premier enfant de cette patiente qui a été enceinte en même temps que nous (enfin moi), où cette patiente qui élève seule ses deux enfants et qui n’a pas un rond nous offre une boîte de chocolats, où on arrive à poser un diagnostic difficile, où le patient nous annonce qu’il s’est enfin décidé à perdre du poids/arrêter de fumer/faire du sport, je me sens utile, je me dis que toutes ces années (11 au total pour moi) d’études/stages/gardes ont finalement servi à quelque chose, et je ne regrette pas d’être allée jusqu’au bout (j’ai failli tout lâcher après le concours de l’internat et avant de passer ma thèse !).

Je ne kiffe pas mon métier, je le surkiffe !

Maxime

Maxime était venu me voir pendant mon rempla d’été. Un peu plus jeune que moi, il n’allait pas très bien à ce moment-là, il travaillait beaucoup. Trop. Je ne sais plus pour quelle raison exactement il était venu consulter, mais on avait discuté un bon moment ce jour-là. Il m’avait fait part de ses soucis au travail, mais aussi de sa fatigue et de moments d’absence. Il avait déjà consulté plusieurs médecins, qui lui avaient dit que c’était dû à sa fatigue et qu’il fallait qu’il travaille un peu moins. Moi aussi je lui avais dit ça ce jour-là.

Je lui avais proposé de l’arrêter quelques jours, il n’avait pas voulu.

Il est venu me voir deux ou trois fois de plus, et à chaque fois il me parlait de ses moments d’absence. Ca me turlupinait. Je me disais que s’il en parlait à chaque fois, c’est qu’il y avait quelque chose… Surtout que deux détails me chiffonnaient : ses moments d’absence survenaient aussi pendant son sommeil ( !) et l’anxiolytique que je lui avais prescrit (à visée anxiolytique) diminuait la fréquence de ses « crises ». Je ne me rappelle plus pourquoi j’en fis part à ma psy, qui me conseilla de lui faire faire un EEG. Ce que je fis. Quelques jours plus tard, Maxime arriva avec le résultat : épilepsie temporale droite. Bon bon bon. Prochaine étape donc : IRM.

Quelque temps plus tard, un samedi matin, j’eus un coup de fil d’une radiologue de Bretagne. Maxime avait passé son IRM cérébrale. Verdict : astrocytome frontal, avec « en prime » un petit effet de masse. J’étais sidérée. J’avais demandé l’IRM pour « me rassurer », pour qu’on me dise que tout était normal et qu’il fallait simplement que Maxime se repose et éventuellement prenne quelques médicaments. Je ne pouvais (voulais ?) pas le croire. Maxime m’appela dans l’après-midi car il ne comprenait pas très bien ce que la radiologue lui avait dit. Que pouvais-je lui dire ? Fallait-il attendre qu’il soit rentré pour le voir « au calme » et lui expliquer, ou lui dire le plus tôt possible, pendant qu’il était chez lui, entouré de sa famille ? De toutes façons il était hors de question de dire un diagnostic par téléphone, et ce n’était « qu’une  imagerie », fortement évocatrice certes, mais qui ne posait pas de diagnostic formel.

Inutile de vous dire que je n’ai pas passé un bon week-end. D’autant que Maxime avait pris rendez-vous pour le mardi suivant. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir lui dire ? Je suis finalement restée assez vague, ne niant pas la gravité de la situation mais en ne dramatisant pas non plus, surtout que Maxime avait oublié d’être bête. J’essayai alors de répondre à ses questions du mieux que je pouvais et avec mes maigres compétences dans la matière. Je lui dis que je me renseignerai, et que je l’adresserai à un spécialiste. Par je ne sais quel miracle je réussis à avoir un rendez-vous deux jours plus tard avec un neurochirurgien d’un CHU, qui programma une biopsie pour la semaine suivante.

Maxime m’appellera la veille de la biopsie, alors qu’il va passer la nuit à l’hôpital. Il ne m’appelle pas pour quelque chose en particulier, et c’est là que je comprends que, malgré les apparences, il a quand même un peu peur (duh) et il appréhende beaucoup ce qui va se passer. Surtout que ça ne va pas très bien se passer. Il me racontera par la suite qu’il était à deux doigts de tout faire arrêter, tellement ça faisait mal (il m’apprit qu’en fait on maintient la tête du patient avec des vis, et on traverse littéralement le crâne pour prélever un morceau du cerveau; bien sûr on est à peine sédaté et on prévient à peine le patient).

Deux semaines plus tard l’examen anatomo-pathologique confirmera la suspicion initiale. Et vu la taille et la localisation de la tumeur, Maxime n’est pas opérable. Un monde s’écroule.

Accouchement

J’avais rendez-vous avec la sage-femme un matin de printemps pour la visite du 8e mois (33 SA1). Direction ensuite le cabinet où j’avais quelques consultations prévues, puis resto le midi avec un ami pas vu depuis longtemps. Je m’en réjouissais déjà. Mais la journée n’allait pas se passer tout à fait comme prévu…

Avant de voir la sage-femme, une aide-soignante me fait faire une bandelette urinaire, me pèse et me prend la tension. La bandelette est négative, j’ai pas pris beaucoup de poids, mais j’ai 170/110 de tension ! L’aide-soignante est surprise et moi encore plus. Un mois auparavant j’avais 135/75. Certes, la sage-femme à ce moment-là m’avait dit de contrôler ma tension « une fois de temps en temps », ce qu’évidemment je n’avais pas fait (à ce jour je m’en veux encore).

La sage-femme arrive, et s’affole en voyant ma tension. Elle ne veut plus me laisser repartir, et va chercher une gynéco pour avoir son avis. Après quelques minutes d’attente seulement, on me dit qu’on va me garder en surveillance 2-3 jours pour faire baisser ma tension avec du Loxen IV. Bon, ça ne m’arrange pas. D’abord parce que je voulais aller travailler et ensuite parce qu’il fallait que je prévienne mon associée pour qu’elle me remplace au pied levé et que durant la grossesse, ce n’est pas la première fois que ça arrive.

On me dirige alors vers le service des urgences, on m’installe dans un box et une infirmière vient me poser le Loxen IV et  un monito (pour enregistrer le rythme cardiaque du bébé). Mais ma tension ne baisse pas. Je continue à avoir des contractions et le rythme cardiaque fœtal n’est pas bon. Un médecin vient me faire une échographie de contrôle et estime le poids du bébé à 1,500 kg, c’est-à-dire que petit dragon n’a pas grossi depuis la dernière écho qui date d’il y a un mois… Le stress monte un peu.

Vient ensuite me voir l’anesthésiste (le rendez-vous de consultation avec lui n’était prévu que 3 semaines plus tard) et me dit que je fais une pré-éclampsie sévère, mais que « ça va aller ». Ah bon, très bien. L’appareil qui me prend la tension toutes les 10 minutes montre qu’elle ne baisse toujours pas malgré le Loxen IV à la seringue électrique. Je monte même jusqu’à 200/120.

La gynéco vient enfin me voir et me dit qu’ils vont me transférer au CHU2 car ici c’est une maternité niveau 1 et ils ne peuvent pas me prendre en charge. Bon d’accord. Et que l’ambulance va arriver pour m’y amener.  Sur le moment je pense chouette, je ne suis jamais montée sur un brancard et me suis toujours demandé ce que ça faisait d’être baladé(e) allongé(e) (oui, parfois j’ai des idées bizarres). Jusque-là j’ai eu le temps de prévenir mes parents sans trop les affoler (miracle) et mon mari, parti en déplacement professionnel dans le sud le matin même (évidemment).

J’arrive au CHU. A peine arrivée, je vois autour de moi sage-femme, élève sage-femme, gynéco, interne de gynéco, anesthésiste, IDE. Chacun(e) me pose des questions à tour de rôle. Non je n’ai pas mal à la tête, non je ne vois pas de mouches volantes, non je n’ai pas de bourdonnements dans les oreilles, je pète la forme je vous dis ! On me repose un monitoring, un tensiomètre, une deuxième voie veineuse. Puis tout le monde sort. Cinq minutes après une élève sage-femme rentre avec un dossier à la main. Elle me demande le nom de l’enfant. Comment ? Le nom de l’enfant. Je lui donne le nom de mon mari. Et le prénom ? Pardon ? Oui, le prénom de l’enfant ? Comment ça ? (Je suis à 33 SA bordel de merde, je suis censée déjà avoir un prénom ???) Bein… je ne sais pas… Oh c’est pas grave ! Elle sort de la chambre en me laissant un petit peu choquée.

Rentre alors l’interne de gynéco pour me refaire une échographie. Cette fois le poids du bébé est évalué à 2,200 kg. Ah bon, ouf. Un peu inquiétée par la précédente visite, je lui demande : « Mon mari est en déplacement jusqu’à demain soir. Doit-il venir plus tôt ? » Elle me répond d’un air grave : « Ca serait mieux, oui. »

Ce n’est seulement à ce moment-là que je commence un peu à réaliser ce qui se passe. L’équipe médicale sait que je suis médecin, c’est peut-être pour ça qu’ils ne m’expliquent pas tout. Et moi qui ne veux pas être chiante, je ne pose pas de questions.

Discussion devant moi entre les gynécos et les sages-femmes autour de la conduite à tenir. Ils ne m’expliquent toujours pas de quoi il s’agit.

On laisse rentrer ma mère pour qu’elle puisse me voir. Elle prend mes mains dans les siennes et me dit : « Tout va bien aller, il va arriver maintenant ». Hein ? Qui ? Elle repart. J’ai juste le temps d’envoyer un dernier SMS à mon mari à 15h33 pendant qu’on m’emmène au bloc (on ne m’a toujours rien dit)  : « Je crois qu’on va me faire une césarienne en urgence ». Petit dragon est arrivé à 15h49. Je n’ai pas pu le voir quand ils l’ont sorti de mon ventre. Je ne l’ai pas entendu crier non plus. Dix minutes plus tard le gynéco m’annonce que tout va bien. Ouf… Je ne ferai la connaissance de petit dragon pour la première fois que 24 heures plus tard… (heureusement qu’une très gentille sage-femme m’avait proposé de le prendre en photo, histoire que je puisse au moins, à défaut de le prendre dans mes bras, voir le visage de mon fils !)

Salle de réveil. Je suis toute seule, et pendant mon « réveil », je vois défiler cinq infirmières différentes. Dont une qui me demande (encore) le prénom de petit dragon. C’est-à-dire que je ne sais pas encore… Ahhhhh mais il n’était pas attendu ce petit ??? Ahhhh mais je suis à 33 SA bordel de merde !!!!!

Bien plus tard je me rendrais compte que tout le monde sauf moi savait que j’allais accoucher ce jour-là (les médecins, les sages-femmes, les infirmières, même mes parents, qu’on avait informés à leur arrivée à l’hôpital !). Je faisais peut-être un déni. Mais déni ou pas, j’aurais préféré que l’équipe médicale m’informe. M’informe que j’allais accoucher un peu plus tôt que prévu, et que pour ça on allait m’ouvrir le ventre.

J’ai mis 3 mois pour m’en remettre. Trois mois pour réaliser que je n’étais plus enceinte, que j’étais enfin maman, que petit dragon était parmi nous et qu’on n’avait rien pu préparer pour son arrivée.

1. Semaines d’Aménorrhée (un enfant est né à terme lorsque l’accouchement se produit entre le début de la 38e SA et la fin de la 42e SA)

2. Centre Hospitalo-Universitaire