J’avais rendez-vous avec la sage-femme un matin de printemps pour la visite du 8e mois (33 SA1). Direction ensuite le cabinet où j’avais quelques consultations prévues, puis resto le midi avec un ami pas vu depuis longtemps. Je m’en réjouissais déjà. Mais la journée n’allait pas se passer tout à fait comme prévu…
Avant de voir la sage-femme, une aide-soignante me fait faire une bandelette urinaire, me pèse et me prend la tension. La bandelette est négative, j’ai pas pris beaucoup de poids, mais j’ai 170/110 de tension ! L’aide-soignante est surprise et moi encore plus. Un mois auparavant j’avais 135/75. Certes, la sage-femme à ce moment-là m’avait dit de contrôler ma tension « une fois de temps en temps », ce qu’évidemment je n’avais pas fait (à ce jour je m’en veux encore).
La sage-femme arrive, et s’affole en voyant ma tension. Elle ne veut plus me laisser repartir, et va chercher une gynéco pour avoir son avis. Après quelques minutes d’attente seulement, on me dit qu’on va me garder en surveillance 2-3 jours pour faire baisser ma tension avec du Loxen IV. Bon, ça ne m’arrange pas. D’abord parce que je voulais aller travailler et ensuite parce qu’il fallait que je prévienne mon associée pour qu’elle me remplace au pied levé et que durant la grossesse, ce n’est pas la première fois que ça arrive.
On me dirige alors vers le service des urgences, on m’installe dans un box et une infirmière vient me poser le Loxen IV et un monito (pour enregistrer le rythme cardiaque du bébé). Mais ma tension ne baisse pas. Je continue à avoir des contractions et le rythme cardiaque fœtal n’est pas bon. Un médecin vient me faire une échographie de contrôle et estime le poids du bébé à 1,500 kg, c’est-à-dire que petit dragon n’a pas grossi depuis la dernière écho qui date d’il y a un mois… Le stress monte un peu.
Vient ensuite me voir l’anesthésiste (le rendez-vous de consultation avec lui n’était prévu que 3 semaines plus tard) et me dit que je fais une pré-éclampsie sévère, mais que « ça va aller ». Ah bon, très bien. L’appareil qui me prend la tension toutes les 10 minutes montre qu’elle ne baisse toujours pas malgré le Loxen IV à la seringue électrique. Je monte même jusqu’à 200/120.
La gynéco vient enfin me voir et me dit qu’ils vont me transférer au CHU2 car ici c’est une maternité niveau 1 et ils ne peuvent pas me prendre en charge. Bon d’accord. Et que l’ambulance va arriver pour m’y amener. Sur le moment je pense chouette, je ne suis jamais montée sur un brancard et me suis toujours demandé ce que ça faisait d’être baladé(e) allongé(e) (oui, parfois j’ai des idées bizarres). Jusque-là j’ai eu le temps de prévenir mes parents sans trop les affoler (miracle) et mon mari, parti en déplacement professionnel dans le sud le matin même (évidemment).
J’arrive au CHU. A peine arrivée, je vois autour de moi sage-femme, élève sage-femme, gynéco, interne de gynéco, anesthésiste, IDE. Chacun(e) me pose des questions à tour de rôle. Non je n’ai pas mal à la tête, non je ne vois pas de mouches volantes, non je n’ai pas de bourdonnements dans les oreilles, je pète la forme je vous dis ! On me repose un monitoring, un tensiomètre, une deuxième voie veineuse. Puis tout le monde sort. Cinq minutes après une élève sage-femme rentre avec un dossier à la main. Elle me demande le nom de l’enfant. Comment ? Le nom de l’enfant. Je lui donne le nom de mon mari. Et le prénom ? Pardon ? Oui, le prénom de l’enfant ? Comment ça ? (Je suis à 33 SA bordel de merde, je suis censée déjà avoir un prénom ???) Bein… je ne sais pas… Oh c’est pas grave ! Elle sort de la chambre en me laissant un petit peu choquée.
Rentre alors l’interne de gynéco pour me refaire une échographie. Cette fois le poids du bébé est évalué à 2,200 kg. Ah bon, ouf. Un peu inquiétée par la précédente visite, je lui demande : « Mon mari est en déplacement jusqu’à demain soir. Doit-il venir plus tôt ? » Elle me répond d’un air grave : « Ca serait mieux, oui. »
Ce n’est seulement à ce moment-là que je commence un peu à réaliser ce qui se passe. L’équipe médicale sait que je suis médecin, c’est peut-être pour ça qu’ils ne m’expliquent pas tout. Et moi qui ne veux pas être chiante, je ne pose pas de questions.
Discussion devant moi entre les gynécos et les sages-femmes autour de la conduite à tenir. Ils ne m’expliquent toujours pas de quoi il s’agit.
On laisse rentrer ma mère pour qu’elle puisse me voir. Elle prend mes mains dans les siennes et me dit : « Tout va bien aller, il va arriver maintenant ». Hein ? Qui ? Elle repart. J’ai juste le temps d’envoyer un dernier SMS à mon mari à 15h33 pendant qu’on m’emmène au bloc (on ne m’a toujours rien dit) : « Je crois qu’on va me faire une césarienne en urgence ». Petit dragon est arrivé à 15h49. Je n’ai pas pu le voir quand ils l’ont sorti de mon ventre. Je ne l’ai pas entendu crier non plus. Dix minutes plus tard le gynéco m’annonce que tout va bien. Ouf… Je ne ferai la connaissance de petit dragon pour la première fois que 24 heures plus tard… (heureusement qu’une très gentille sage-femme m’avait proposé de le prendre en photo, histoire que je puisse au moins, à défaut de le prendre dans mes bras, voir le visage de mon fils !)
Salle de réveil. Je suis toute seule, et pendant mon « réveil », je vois défiler cinq infirmières différentes. Dont une qui me demande (encore) le prénom de petit dragon. C’est-à-dire que je ne sais pas encore… Ahhhhh mais il n’était pas attendu ce petit ??? Ahhhh mais je suis à 33 SA bordel de merde !!!!!
Bien plus tard je me rendrais compte que tout le monde sauf moi savait que j’allais accoucher ce jour-là (les médecins, les sages-femmes, les infirmières, même mes parents, qu’on avait informés à leur arrivée à l’hôpital !). Je faisais peut-être un déni. Mais déni ou pas, j’aurais préféré que l’équipe médicale m’informe. M’informe que j’allais accoucher un peu plus tôt que prévu, et que pour ça on allait m’ouvrir le ventre.
J’ai mis 3 mois pour m’en remettre. Trois mois pour réaliser que je n’étais plus enceinte, que j’étais enfin maman, que petit dragon était parmi nous et qu’on n’avait rien pu préparer pour son arrivée.
1. Semaines d’Aménorrhée (un enfant est né à terme lorsque l’accouchement se produit entre le début de la 38e SA et la fin de la 42e SA)
2. Centre Hospitalo-Universitaire